Cette formule si souvent employée, ne traduit ni la réalité, ni le quotidien du marcheur. Pas après pas, jour après jour, heure après heure, vallée après vallée, le paysage s’approche de vous, vous absorbe, vous capte, et privilège, vous en faites partie. Onze jours de marche et déjà 270 kms de parcourus en partant de Cornouaille le pays Glazik, passant par le Kreiz Breizh comprenant le pays Dardoup, le Poher, le pays Fisel, le pays Fañch, le pays de Loudéac, le Haut Penthièvre, et le pays de Saint-Malo. Et ce soir je vois le Mont Saint-Michel dans mon nord-nord-est !
Le marcheur se voit de loin et l’approche progressive favorise les rencontres, comme cet agriculteur dans le pays de Moncontour, pas négatif mais mélancolique sur son métier. Cette dame âgée, atteinte de polyarthrite, à qui son chirurgien a interdit de trop marcher, et qui était sur le GR34, parce que ça lui faisait du bien au moral. Ce marcheur « athlétique » de 85 ans, qui a accepté de baisser sa moyenne pour s’adapter à mon allure, et ainsi m’accompagner sur 6 kms, et me faire l’éloge des thérapies aux huiles essentielles pour ces vieux muscles et tendons. Ce couple de jeunes chartrains qui allait du Mont Saint-Michel à Saint-Malo en 5 jours, avec qui nous avons partagé notre « salle à manger » face un paysage de rêve !
Et après-demain, je vais aborder déjà une « terra incognita », où je n’ai jamais marcher, la Normandie !
La lenteur, un luxe, une lubie, une perte de temps, ou simplement un mode de vie… ? Dans la pièce de théâtre « Ranger », l’auteur Pascal Rambert, fait dire au personnage mélancolique au crépuscule de sa vie, joué par Jacques Weber, seul en scène : « Marcher, s’assoir, contempler »
Pour cette nouvelle marche en solitaire, très vite j’ai retrouvé mes repères, et ces sentiments ô combien mélangés subtilement. Très vite ce premier sentiment d’ouvrir cette « parenthèse hors du temps « , un luxe abordable qu’il est possible de s’offrir, pour peu qu’on y mette les bons ingrédients.
Le second celui de tracer son chemin, hors des sentiers battus, en laissant comme seules traces, les rencontres humaines, les vieux amis.es des deux premières soirées et les nouveaux, comme Julie Joséphine et Jean-Cri à Treffin, et quelques traces de pas vite effacées.
Encore et toujours la découverte de chemins, de chapelles, de patrimoine récemment délabré, ces bâtiments agricoles amiantés abandonnés, alors que d’autres flambant neufs « paradent » à quelques centaines de mètres ! Ce hameau magnifiquement rénové et vivant, alors qu’un autre plus loin est à l’abandon. Foulé cette ancienne voie de chemin de fer désormais appelée voie verte, alors qu’a proximité, des travaux très importants continuent pour la mise en quatre voies d’une route…
Enfin cette étonnante « marotte » de l’arithmétique qui nous aide sur des portions rectilignes ou sans intérêt. L’arithmétique…? Et oui, pour vagabonder sans ennui, on compte ses pas et on joue à se fixer des petits défis.., à la prochaine borne il sera 14h17…, et si c’est bon, ça rend heureux ! C’est aussi très simpliste le cerveau d’un marcheur!
Le virus de la marche en solitaire, hors de sentiers battus, s’est réveillé. Un beau matin de février… « et si j’allais à l’Assemblée générale de la Fédé à pieds ? »
De la maison à Quimper à la Maison du Handball à Créteil, il y a matière à tracer un joli parcours, par sentiers et petites routes, chemins noirs (salut Sylvain Tesson !), sentiers côtiers et pistes forestières ! Près de 800 kilomètres en un mois, cette marche solitaire, ne sera pas ordinaire, car solidaire.
Comme en 2019, je vais embarquer dans mon sac, les amis de « Vaincre la Mucoviscidose », avec Sasha désormais soigné avec le Kaftrio, traitement qui lui a changé son quotidien, sa vie mais pas son appétit (ah le far breton de maman !!!). Mais pas seulement…
Sasha a bien grandi
Cette marche fait appel à la solidarité et aux valeurs humanistes de la famille du handball, et je ne pouvais pas ne pas y associer « Une Oasis pour la Sclérose en plaques », avec Amandine Tissier atteinte de cette maladie, jeune « ancienne » handballeuse professionnelle, en reconversion professionnelle au club de Brest, et joueuse et actrice majeure du projet de Roz Hand Du.
Amandine, Sasha, ce sont de belles personnes, qui vivent avec ces maladies du quotidien, et qui font preuve d’optimisme, de dynamisme et de joie de vivre, et les associer à mon million de pas de Quimper à Créteil, est une évidence. Mon quotidien sera fait de moments de bonheur, de contemplation, de rencontres humaines, mais aussi de petites galères, de chemins boueux, de vêtements ruisselants, de genoux qui « couinent », mais moi je l’ai choisi, pas eux !
Durant un mois, je vais vivre ce privilège déjà vécu en 2015 et 2019, d’une parenthèse hors du temps, sans autres contraintes que celles que je me mettrai.
« Si j’arrive à Chabanais, je suis presque sûr d’aller au bout ! » Je me suis rassuré auprès de mon épouse, en prononçant ces mots lors d’une conversation téléphonique au plus fort de la canicule. Lorsque Richard me déposa ce samedi matin au-delà de Villefranche de Rouergue, le ciel était bas et gris foncé, l’air frais et humide annonçait la pluie, et en nous saluant je savais que les douze jours qui me séparaient de Chabanais allaient se faire à la force des jarrets et du mental.
Certains matins seraient difficiles, le temps que les tendons retrouvent un peu d’élasticité et que les genoux se réchauffent suffisamment pour que je les oublie un peu. La lecture de mes cartes IGN bleues au 1/25000ème, au-delà d’être rassurante, allait devenir au fil des jours mon carburant. Bien sûr il y avait le GR6 qui serait mon fil rouge durant cinq à six jours, mais les « tout-droit » par routes et chemins pour couper les méandres de ce chemin de pèlerins, me permettraient de toujours trouver un intérêt à la journée, un paysage, un hameau oublié par le progrès, une rencontre improbable. C’est durant cette navigation entre Causses, Périgord noir et vert pour arriver en Charente Limousine, que je me suis senti profondément seul, ne dépendant que de moi-même, et ressentant pour la première fois les bienfaits de la marche longue.
Du gîte de Figeac, que je partageais, avec un couple de jeunes pèlerins pratiquants, deux jeunes femmes routardes et un jeune professeur parisien novice en randonnée mais tellement sûr de lui, au havre du gîte jacquaire « les Petits Cailloux» à Gramat, où nous formions une tablée de douze comme les apôtres, tablée totalement insolite et hétéroclite, à l’anonymat commercial des hôtels touristiques du Périgord Noir, c’est chez la famille Brajot, au fin fond du Périgord vert, que je retrouvai la bienveillance, le soutien et la reconnaissance de ces grands-parents d’enfants touchés par cette maladie invisible qu’est la mucoviscidose. Nous ne nous connaissions pas la veille, et nous partagions le petit déjeuner au matin presque en vieux amis. Et comme tout au long de ce périple, les amis handballeurs qui feront plus que jalonner ce parcours, Françoise et Philippe dans le Lot, la famille Abguillerm à Sarlat, qui m’ont accueilli, désaltéré, nourri, accompagné et réconforté.
Pas encore fringant, mais déterminé et persévérant, chaque matin je m’élançais pour aligner les kilomètres. Je mis du « Nord » dans ma trajectoire, et de Sarlat à Lascaux, en passant par Les Eyzies, par des sentiers au balisage fantaisiste, je me frayais un passage à travers la préhistoire. Au-delà de Sarliac et de son Hôtel Chabrol, je mis le cap sur Rochechouart à travers bois et bocages, et durant cinq jours dans l’anonymat et l’indifférence générale, j’accumulais les kilomètres, perdant mon fidèle bâton de marche, près de « Chez Neymar » du côté de Saint Saud-Lacoussière, soulevant à peine un intérêt chez les quelques chiens que je croisais, visitant un écomusée de la truffe, ou peinant à trouver des chemins présents sur mes cartes, mais disparus ou privatisés par les chevaliers de l’agriculture productiviste, conquérante et dévoreuse de talus et de zones humides.
Une dernière nuit anonyme dans une maison d’hôtes à Oradour sur Vayre, tenue par des anglais souriants mais avares et incultes, et j’arrivais à La Chassagne, non sans avoir croisé la plus grande densité de panneaux d’interdits en tout genre en traversant la forêt de Rochechouart. La Chassagne, c’est un des endroits marquants et marqueurs de mon périple, et déjà en août 2015, Muriel, Patrick et leurs enfants Justine et Arthur m’avaient accueilli, et je ne pouvais pas ne pas faire étape dans cette maisonnée si chaleureuse et spontanée. Le lendemain matin, c’est sous un ciel plombé que Justine m’accompagnât jusqu’au pied du château de Rochechouart, édifice datant du XIIIème et XVème siècle qui abrite désormais le musée d’art moderne de Haute-Vienne.
Le GR4 me réservait quelques surprises, et étaient-ce les signes avant-coureurs du réchauffement climatique, car dans ces prairies limousines broutaient cinq dromadaires bien gras, puis plus loin des alpagas et enfin des lamas qui me dédaignèrent hautainement. Je passais à proximité des thermes gallo-romains de Cassinomagus, les plus monumentaux et les mieux conservés de France, mais je ne croisais ni le préfet Fleurdelotus, ni son collègue Caïusobtus, et c’est en traversant des villages familiers, Pressiganc, Puymis ou Grenord, que j’atteignais Chabanais, non pas le plus luxueux des lupanars parisiens, mais ce chef-lieu de canton paisible de la Charente Limousine, traversé par la rivière La Vienne et son odeur de choux.
J’arrivais en fin d’après-midi chez René et Marcelle, amis de toujours, pour une halte incontournable lors de mes longues chevauchées pédestres. A l’issue d’une journée de repos, passée en compagnie de ma filleule Nathalie et de son fils Adrien, quelle ne fût pas ma surprise, de voir arriver ma fille, mon gendre, ma petite-fille et mon épouse, qui passaient par hasard ! J’étais le seul à ne pas être dans la confidence, et ce fut durant cette soirée délicieuse autour d’un excellent repas, que j’eus la certitude d’aller au bout….
C’est en suivant le lit de l’Arnette, que je suis arrivé à Mazamet, ancienne capitale du délainage. Les nombreux et imposants bâtiments désaffectés qui bordent cette rivière, sont les témoins assez récents de cette activité aujourd’hui disparue, qui fit la richesse de la cité tarnaise.
Témoin plus récent et toujours très vivant de cette sous-préfecture, Laurent Jalabert n’est pas prophète en son pays, en témoigne la place qui porte son nom où il est interdit de faire du vélo !
En quittant la résidence des Jeunes Notre Dame (!), je me fis déposer par un véhicule motorisé au Vinçou, et c’est sous ma cape de pluie et le cœur léger, que je parcourais les premiers kilomètres de cette étape qui me conduisait au gîte équestre de la Sabatarié.
Le cœur léger, car en fin de journée mon fils, ma belle-fille et les deux petites filles, me faisaient la demi-surprise de passer la soirée avec moi. La Sabatarié étant placé pile-poil au milieu de nulle part, afin d’éviter de se louper, ils m’avaient appelé la veille pour m’annoncer cette bien jolie nouvelle.
Un dernier petit raidillon, et j’arrive au cœur de ce hameau, accueilli par Myriam, et qui m’annonça qu’un ami de Toulouse venait me rendre visite. Et là surprise, je vis arriver en ce lieu magnifique, sauvage et isolé, Claude, un ami de la fédération de handball, venu de Toulouse, partager un bon moment d’amitié et une bière !
Quand je vis pointer la jolie frimousse de mes deux petites-filles, je me pinçais de me voir si bien entouré en ce lieu improbable. C’est au « Café de Paris » à Brassac, que nous avons passé une soirée familiale gastronomique, et où Norah a vendu son premier dessin de sa jeune carrière !
Toutes ces rencontres me faisaient oublier qu’une vague de chaleur commençait à nous tomber dessus pour la semaine. C’est en famille, que le lendemain matin nous avons parcouru le plateau du Sidobre, massif granitique le plus vaste d’Europe, dépaysant et poétique, avec ces rochers « jetés du ciel par la colère des dieux » comme le Peyo Clabado, le rocher de l’oie, le squale.
Après le pique-nique, ils me déposèrent à Saint-Pierre-de-Trivisy et je pus éviter l’après-midi brûlant qui s’annonçait. Ce n’est pas sans un pincement au cœur, que Norah, Mélina et leurs parents me dirent au-revoir, et que je vis partir le fourgon bleu !
Cette parenthèse me fit un bien fou et je franchis le portail de « L’Oustal » pour entrer dans une très belle demeure, accueilli par Danielle, son compagnon et Annie une pensionnaire. La sieste reposante, l’excellent repas et la nuit réparatrice me permirent d’aborder ma seconde journée tarnaise.
Naviguant au gré des petites routes campagnardes pour couper les méandres du GR36, et régulièrement à l’ombre, je pus apprécier cette étape rupestre, discuter avec une agricultrice, croiser une martre des bois, et arriver à l’Hôtel des Lauriers sur les bords du Tarn sur les coups de 15h00.
Pour rejoindre Tanus, toujours dans le Tarn, et toujours à l’aube, je mis le cap sur Assac puis Valence d’Albigeois, où l’ombre de l’église protège aussi les mécréants. Après un repas sur le pouce et sous une chaleur déjà écrasante, je tendis ce même pouce afin de rejoindre « Le Clos de Morphée ».
Pour la première fois depuis que je randonne, j’étais « planté » sous une ombre qui se réduisait de plus en plus, et la température qui flirtait avec les 42°. « On » me dit que le Tarnais est méfiant et un peu renfermé, et au bout d’une heure et demie sur le bord de la route départementale 53, j’étais près de le croire. Enfin un jeune couple francilien, passionnant et passionné, me permis de parcourir ces quinze kilomètres en sécurité. Un café-épicerie dont j’étais le seul client me fis de l’œil, et je succombais à une, ou peut-être deux bières.
A quelque pas jouxtant l’église, un portail, un jardin plein de poésie, et une maison qui dès le seuil franchi, m’enveloppe de sa fraîcheur. Lali, bienveillante, me montre ma chambre spacieuse confortable et (presque fraîche), et je m’assoupis longuement.
Le soir je partagerais la préparation de mon repas avec quatre ouvriers catalans, d’une entreprise barcelonaise qui équipe la région de cette fibre prometteuse d’un avenir encore plus connecté…
Dès potron-minet, je quittais ce cocon, cette oasis, et dès 7h00 en descendant vers les Gorges du Viaur, je sentais déjà la chaleur qui allait devenir écrasante. J’atteignis la chapelle des Planques vers 9h00, et j’y fis une halte « énergétique ».
Je voyais enfin le bout du Tarn, et après Pampelone, c’est à Masmajou que je vis ma première grange aveyronnaise.
En marchant sur la petite route qui rejoignait Naucelle-Gare, je fis le choix d’accepter l’invitation de Bénédicte et Richard. « On va te chercher où tu veux » m’avaient-ils dit la veille. Ma chère et tendre épouse, qui avait supporté la veille, le bombardement de textos lorsque j’étais « stanqué » à Villeneuve d’Albigeois, m’a dit « j’espère que tu vas choisir la voie de la sagesse ». C’est ce que je fis, une fois attablé au Flambadou pour un menu « ouvrier », et Richard vint me recueillir.
Quarante minutes plus tard j’étais dans leur magnifique maison dans la campagne de Rignac. J’avais prévu une journée de repos chez ces amis, que je n’avais pas vu depuis dix ans, mais c’est finalement deux jours et trois nuits que je passais chez eux en tant que «réfugié climatique ». C’est leur bienveillance, leur gentillesse, la quiétude et la fraicheur de cette maison, et l’aligot saucisses qui m’ont permis de faire cette halte et de poursuivre mon chemin vers l’Ouest. Encore une belle histoire d’amitié…
…. Evacuer mes doutes ou mes craintes sur ma capacité à aller au bout, disais-en conclusion de l’album 1.
Arrivé épuisé chez Lidia à Prades au pied du massif du Canigou, au terme d’une descente de plus de six heures et de 2400 mètres de dénivelé négatif, j’ai passé une soirée reposante, simple et agréable, tout en pensant à ce que je venais de faire subir à mes genoux ! Le lundi matin elle me déposa au bord du lac de Vinça, d’où je m’élançai pour 32 kms à travers le massif des Fenouillèdes, par le GR36.
Une douce euphorie, la sérénité des paysages et une solitude retrouvée, masquaient mes douleurs physiques et les prémices de l’épuisement. Les Fenouillèdes, c’est une nature préservée, des insectes et notamment beaucoup de papillons, des vignes, des bois, des villages hospitaliers, sans trop de clôture ou « d’œil du voisin »! Ce n’est qu’à Maury où le logeais dans le gîte communal, très confortable et très bien équipé, que j’ai violemment pris conscience de mon état physique quelque peu altéré. Le soir en me couchant, très tôt, je décidai de ne rien décider, si ce n’est de me lever aux aurores.
Le château de Peyrepertuse étant incontournable, j’ai quitté Maury en stop pour Cucugnan, faisant l’impasse, à mon grand désespoir, sur le château de Quéribus. La montée durant plus de deux heures me fût rendue moins pénible par la vue de ce vaisseau de pierre qui, à chaque détour du sentier, se découpait sur fond de ciel bleu.
J’y pénétrai avant l’ouverture et ainsi j’ai pu déambulé seul, tout seul, dans le plus grandiose des châteaux cathares. Moment unique, mais la majesté et la solennité des lieux n’avaient fait que passer au second plan ma fatigue grandissante, des tendons en feu, et un genou bien douloureux.
« Tu as des amis partout » m’avait dit un pote avant le départ. Partout non, beaucoup je ne pense pas, mais au bon endroit sûrement. Arrivé à Rouffiac-des-Corbières, j’ai envoyé un message à Marylou qui devait m’accueillir à Termes, pour passer la soirée à Narbonne. « Je rallie Narbonne en stop et demain en lieu et place de l’étape que nous devons faire ensemble, je reste au calme chez vous ». Marylou ne m’a pas laissé sur le bord de la route et est venu me « cueillir » à « La Petite Epicerie » de Rouffiac, et c’est ainsi qu’avec Philippe et Lucille, leur hospitalité bienveillante et la quiétude et la fraicheur de leur maison, j’ai pu me « refaire la cerise ». Le lendemain de ce jour de repos non prévu, une Marylou prévenante m’a accompagné durant deux heures de l’étape vers Carcassonne.
A Carcassonne, Porte Narbonnaise, m’attendait Bastien, atteint de la mucoviscidose, accompagné de sa maman Anne et de son papy Jo. Après avoir slalomé parmi les nombreux touristes venus admirés la cité comtale, classée au patrimoine mondial de l’humanité par l’Unesco, nous avons rejoint Villeneuve-Minervois, berceau de la famille Griffe.
Dans le jardin familial, Jo, jeune retraité vigneron, et Evelyne son épouse, avaient organisé en mon honneur, un buffet campagnard et minervois, avec de nombreux amis.
Je garderai en mémoire les paroles fortes et sincères de Evelyne, à notre départ la matin, paroles qui m’ont accompagné jusqu’à Plouarzel. « Notre » départ, car c’est accompagné des deux papys de Bastien et d’un de leur copain, que nous avons gravi les pentes du Pic de Nore, point-culminant de la Montagne Noire. Noire la montagne, mais lumineux les jours passés…
A bientôt pour l’album 4 .… De Mazamet à Rignac, encore une histoire d’amitié.
C’est par cette jolie formule que Geneviève Héry-Arnaud nous a accueillis, Chantal déléguée de « Vaincre la Mucoviscidose » pour le Finistère et les Côtes d’Armor et maman de Sasha, mon épouse Huguette, et moi-même. Tout en poursuivant son mot de bienvenue par ces mots très forts : «Votre action vous honore… et nous oblige. Elle donne du sens à ce que nous faisons au quotidien dans le laboratoire et elle apporte une dimension supplémentaire, humaine… » Prononcée par cette professeur-chercheur et microbiologiste à la faculté de médecine de Brest, ce n’est pas sans émotion que nous avons commencé cette visite.
La docteur Geneviève Héry-Arnaud, moi même, Chantal Le boucher
Cette visite a été initiée et organisée par Stéphanie Gouriou, salariée et âme de cette unité « Microbiota » (au sein de l’unité Inserm UMR 1078 de Brest). Nous nous sommes connus à Quimper, alors qu’elle était étudiante à l’IUT de Biologie. Je passais la prendre pour l’accompagner à Ergué pour qu’elle participe à l’entrainement de ……. Handball ! Une autre boucle de bouclée.
Loin, bien loin des clichés et des idées reçues que nous pouvions avoir sur le monde de la recherche, nous avons durant près de trois heures, pu observer, écouter des jeunes gens, enjoués, joyeux, passionnés, investis et ô combien compétents.
Rosyne présentant les lactobacilli
Le « microbiote des poumons » nous est devenu presque familier, et si nous ne sommes pas capables de faire la différence entre les gentilles et les «chelou » bactéries, nous savons désormais qu’elles ont une odeur, et que dans un avenir pas si lointain, elles pourraient améliorer le traitement de la maladie et donc le quotidien des malades.
Mais nous avons aussi découvert la réalité économique et financière de la recherche en France. Cette unité de 9 personnes, reçoit 4 000,00 € de dotation d’état… oui oui la virgule est au bon endroit ! Ce laboratoire reçoit environ 350 000 € de « Vaincre la Mucoviscidose », dont 300 000 pour une étude nationale pilotée de Brest. Geneviève et Stéphanie, étaient entourées ce jour-là de trois jeunes, Rosyne tout juste docteur en biologie et en contrat pour 18 mois (financement précaire = emploi précaire !), Charles-Antoine en doctorat et premier « bactronaute » et Alice 20 ans future «bactronaute », tous les deux en double-parcours, médecine et ingénieur pour l’un et médecine biologie pour l’autre.
Charles-Antoine manipulant dans le « Bactron »
Avec « mon » équipe, j’ai bâti le projet « Deux Caps et Deux Pieds », j’ai pu relier les deux caps, certes seul, mais porté, soutenu et aidé par vous toutes et tous, l’équipe handball, l’équipe muco, l’équipe famille, l’équipe amis. Cette force collective peut soulever des montagnes (ou au moins aider à les gravir… !), et au labo j’ai pu voir que travail et réflexion ne pouvait se faire qu’en équipe… comme le handball. La boucle est bouclée….
Les cinq étapes pyrénéennes, abordées sans préparation spécifique au dénivelé, marqueront ce voyage.
L’ensoleillement optimal, une tramontane présente et rafraichissante, des paysages sublimes, les nombreuses rencontres tant sur les sentiers que dans les gîtes, et puis l’accueil et le soutien des randonneurs de Banyuls et de Arles sur Tech, ont fait passer au second plan la fatigue, les tendons et genoux douloureux.
Dès le départ, lors de la première journée entre Cerbère et Banyuls, il y avait du dénivelé ! Apéro ici, repas là, réception en mairie, casse-croûte vigneron, ont donné le tempo de ce voyage. Rencontres, partages, amitiés et reconnaissance mutuelle des engagements, et « croisement » entre Handball et « Vaincre La Muco », tous les ingrédients qui ont agrémenté ce voyage de 54 jours.
Le sous-titre de ce défi était « De la Catalogne à la Bretagne en un souffle ». Et les Catalanes et Catalans que j’ai rencontrés et qui m’ont encouragé, ont soufflé très fort dans mon dos, et tellement fort, que leur souffle m’a transcendé et évacué mes doutes ou mes craintes, sur ma capacité à aller au bout.
A très bientôt pour l’album 2 – entre Corbières et Montagne Noire…..
Franchir un cours d’eau n’est jamais anodin, c’est aller de l’autre côté de la rive, comme chantait Georges Brassens: “il suffit de passer le pont c’est tout de suite l’aventure”.
Tout au long de ce voyage j’ai franchi de nombreuses rivières, grandes et petites, ruisseaux, canaux, bras de mer, rigoles, fleuves.
Signe des temps, nombreux sont les lits asséchés, notamment dans les régions où ce n’est pas “naturel”.
Quelques soient les régions, les cours d’eaux sont importants, vitaux, symboliques. Dans les fonds de vallées désormais oubliés, les bâtiments industriels désaffectés témoignent du rôle des rivières et des fleuves dans le développement économiques des 19ième et 20ième siècles.
Le Tech, le Lot, le Tarn, L’Aude, le canal du Midi, la Dordogne ou plus humblement la Sèvre, la niortaise et la nantaise, tous ont joué une histoire, leur rôle.
Mais lorsque j’ai franchi la Loire par le bac, au détour du dernier virage du sentier qui surplombe la Vilaine, en amont du barrage d’Arzel, j’ai ressenti de l’émotion.
Il m’en reste quelques uns des cours d’eau, et notamment trois, qui pour un Finistérien représentent encore plus de chose, l’Odet, le canal de Nantes à Brest et l’Elorn. Et pour clore ce voyage initié au Cap Cerbère, en bord de Méditerranée et ces histoires d’eaux, qui mieux de l’océan Atlantique au pied du cap Cross Corsen!!
Lorsque j’ai découvert le quotidien de Sasha, il y a environ deux ans, j’ai pu voir à quel point cette maladie bien souvent « invisible » aux yeux des autres, bouleversait le quotidien du malade et de sa famille.
Kiné dès le matin, quantité incroyable de médicaments, alimentation compliquée, et malgré cela, Sasha et les autres malades tentent de vivre « normalement ». Ce « combat du quotidien » ils le mènent inlassablement, avec courage et abnégation. Les moments difficiles, les périodes d’hospitalisation, les familles y sont régulièrement confrontées et font face sans montrer quelconque lassitude ou découragement.
Depuis le 9 juillet, jour de mon départ, il ne se passe pas un jour sans penser à toutes celles et ceux que j’ai rencontré et qui mènent ce combat.
Durant ces deux mois (il me reste 10 jours de marche), je me suis approché un tout petit peu de ce quotidien. Périodes euphoriques, périodes d’épuisement, journée de bonheur total, souffrances physiques et le doute qui l’accompagne, tâches et soins routiniers ont été mon quotidien.
Mais à la différence que j’ai choisi de le faire , et que le lendemain du 31 août, ça s’arrêtera, alors qu’eux, ça ne s’arrête jamais. Alors oui ce voyage solitaire m’aura changé, et mon regard sur les malades et leur quotidien, qu’ils soient « muco » ou autres, sera bien différent de ce qu’il était avant mon départ.