Eloge de la lenteur

Cette formule si souvent employée, ne traduit ni la réalité, ni le quotidien du marcheur. Pas après pas, jour après jour, heure après heure, vallée après vallée, le paysage s’approche de vous, vous absorbe, vous capte, et privilège, vous en faites partie. Onze jours de marche et déjà 270 kms de parcourus en partant de Cornouaille le pays Glazik, passant par le Kreiz Breizh comprenant le pays Dardoup, le Poher, le pays Fisel, le pays Fañch, le pays de Loudéac, le Haut Penthièvre, et le pays de Saint-Malo. Et ce soir je vois le Mont Saint-Michel dans mon nord-nord-est ! 

Le marcheur se voit de loin et l’approche progressive favorise les rencontres, comme cet agriculteur dans le pays de Moncontour, pas négatif mais mélancolique sur son métier. Cette dame âgée, atteinte de polyarthrite, à qui son chirurgien a interdit de trop marcher, et qui était sur le GR34, parce que ça lui faisait du bien au moral. Ce marcheur « athlétique » de 85 ans, qui a accepté de baisser sa moyenne pour s’adapter à mon allure, et ainsi m’accompagner sur 6 kms, et me faire l’éloge des thérapies aux huiles essentielles pour ces vieux muscles et tendons. Ce couple de jeunes chartrains qui allait du Mont Saint-Michel à Saint-Malo en 5 jours, avec qui nous avons partagé notre « salle à manger » face un paysage de rêve !

Et après-demain, je vais aborder déjà une « terra incognita », où je n’ai jamais marcher, la Normandie !

La lenteur, un luxe, une lubie, une perte de temps, ou simplement un mode de vie… ? Dans la pièce de théâtre « Ranger », l’auteur Pascal Rambert, fait dire au personnage mélancolique au crépuscule de sa vie, joué par Jacques Weber, seul en scène : « Marcher, s’assoir, contempler »

« LA BOUCLE EST BOUCLEE…. »

C’est par cette jolie formule que Geneviève Héry-Arnaud nous a accueillis, Chantal déléguée de « Vaincre la Mucoviscidose » pour le Finistère et les Côtes d’Armor et maman de Sasha, mon épouse Huguette, et moi-même. Tout en poursuivant son mot de bienvenue par ces mots très forts : «Votre action vous honore… et nous oblige. Elle donne du sens à ce que nous faisons au quotidien dans le laboratoire et elle apporte une dimension supplémentaire, humaine… » Prononcée par cette professeur-chercheur et microbiologiste à la faculté de médecine de Brest, ce n’est pas sans émotion que nous avons commencé cette visite.

La docteur Geneviève Héry-Arnaud, moi même, Chantal Le boucher 

Cette visite a été initiée et organisée par Stéphanie Gouriou, salariée et âme de cette unité « Microbiota » (au sein de l’unité Inserm UMR 1078 de Brest). Nous nous sommes connus à Quimper, alors qu’elle était étudiante à l’IUT de Biologie. Je passais la prendre pour l’accompagner à Ergué pour qu’elle participe à l’entrainement de ……. Handball ! Une autre boucle de bouclée.

Geneviève Héry-Arnaud, Alice, Stéphanie Goriou, Rosyne, Charles-Antoine

Loin, bien loin des clichés et des idées reçues que nous pouvions avoir sur le monde de la recherche, nous avons durant près de trois heures, pu observer, écouter des jeunes gens, enjoués, joyeux, passionnés, investis et ô combien compétents.

Rosyne présentant les lactobacilli

Le « microbiote des poumons » nous est devenu presque familier, et si nous ne sommes pas capables de faire la différence entre les gentilles et les «chelou » bactéries, nous savons désormais qu’elles ont une odeur, et que dans un avenir pas si lointain, elles pourraient améliorer le traitement de la maladie et donc le quotidien des malades.

Mais nous avons aussi découvert la réalité économique et financière de la recherche en France. Cette unité de 9 personnes, reçoit 4 000,00 € de dotation d’état… oui oui la virgule est au bon endroit ! Ce laboratoire reçoit environ 350 000 € de « Vaincre la Mucoviscidose », dont 300 000 pour une étude nationale pilotée de Brest. Geneviève et Stéphanie, étaient entourées ce jour-là de trois jeunes, Rosyne tout juste docteur en biologie et en contrat pour 18 mois (financement précaire = emploi précaire !), Charles-Antoine en doctorat et premier « bactronaute » et Alice 20 ans future «bactronaute », tous les deux en double-parcours, médecine et ingénieur pour l’un et médecine biologie pour l’autre. 

Charles-Antoine manipulant dans le « Bactron »

Avec « mon » équipe, j’ai bâti le projet « Deux Caps et Deux Pieds », j’ai pu relier les deux caps, certes seul, mais porté, soutenu et aidé par vous toutes et tous, l’équipe handball, l’équipe muco, l’équipe famille, l’équipe amis. Cette force collective peut soulever des montagnes (ou au moins aider à les gravir… !), et au labo j’ai pu voir que travail et réflexion ne pouvait se faire qu’en équipe… comme le handball. La boucle est bouclée…. 

Histoires d’eaux

Franchir un cours d’eau n’est jamais anodin, c’est aller de l’autre côté de la rive, comme chantait Georges Brassens: “il suffit de passer le pont c’est tout de suite l’aventure”.

Tout au long de ce voyage j’ai franchi de nombreuses rivières, grandes et petites, ruisseaux, canaux, bras de mer, rigoles, fleuves.

Signe des temps, nombreux sont les lits asséchés, notamment dans les régions où ce n’est pas “naturel”. 

Quelques soient les régions, les cours d’eaux sont importants, vitaux, symboliques. Dans les fonds de vallées désormais oubliés, les bâtiments industriels désaffectés témoignent  du rôle des rivières et des fleuves dans le développement économiques des 19ième et 20ième siècles.

Le Tech, le Lot, le Tarn, L’Aude, le canal du Midi, la Dordogne ou plus humblement la Sèvre, la niortaise et la nantaise, tous ont joué une histoire, leur rôle.

Mais lorsque j’ai franchi la Loire par le bac, au détour du dernier virage du sentier qui surplombe la Vilaine, en amont du barrage d’Arzel, j’ai ressenti de l’émotion. 

Il m’en reste quelques uns des cours d’eau, et notamment trois, qui pour un Finistérien représentent encore plus de chose, l’Odet, le canal de Nantes à Brest et l’Elorn. Et pour clore ce voyage initié au Cap Cerbère, en bord de Méditerranée et ces histoires d’eaux, qui mieux de l’océan Atlantique au pied du cap Cross Corsen!!

VAINCRE LA MUCOVISCIDOSE, LE COMBAT DU QUOTIDIEN.

Lorsque j’ai découvert le quotidien de Sasha, il y a environ deux ans, j’ai pu voir à quel point cette maladie bien souvent « invisible » aux yeux des autres, bouleversait le quotidien du malade et de sa famille. 

Kiné dès le matin, quantité incroyable de médicaments, alimentation compliquée, et malgré cela, Sasha et les autres malades tentent de vivre « normalement ». Ce « combat du quotidien » ils le mènent inlassablement, avec courage et abnégation. Les moments difficiles, les périodes d’hospitalisation, les familles y sont régulièrement confrontées et font face sans montrer quelconque lassitude ou découragement.

Depuis le 9 juillet, jour de mon départ, il ne se passe pas un jour sans penser à toutes celles et ceux que j’ai rencontré et qui mènent ce combat. 

Durant ces deux mois (il me reste 10 jours de marche), je me suis approché un tout petit peu de ce quotidien. Périodes euphoriques, périodes d’épuisement, journée de bonheur total, souffrances physiques et le doute qui l’accompagne, tâches et soins routiniers ont été mon quotidien.

Mais à la différence que j’ai choisi de le faire , et que le lendemain du 31 août, ça s’arrêtera, alors qu’eux, ça ne s’arrête jamais. Alors oui ce voyage solitaire m’aura changé, et mon regard sur les malades et leur quotidien, qu’ils soient « muco » ou autres, sera bien différent de ce qu’il était avant mon départ.

Or….durent les déchets !

Cheminer depuis le 9 juillet, en empruntant quasiment toutes les voies de communications, sentiers, GR, pistes forestières, chemins agricoles et vicinaux, routes petites et moyennes, c’est faire partie du paysage immédiat et se fondre dans l’environnement. Et ne pas voir ou remarquer que ce qui est beau, original,cocasse, intriguant ou apaisant, mais aussi ce qui agace, énerve ou révolte. Et les déchets sur le bord des routes et chemins sont omniprésents.

Leur densité dépend de la fréquentation, et principalement des automobilistes mais pas que !

Sur la première marche du podium, les paquets de cigarettes et tabac. À croire que cumuler les trois critères, conducteur fumeur et gros C…, contribue fortement à balancer son paquet de clopes !

Sur la seconde marche, et qui est proche de la première, les canettes de bière, de soda « rouge et blanc » et autres.

Puis viennent les emballages de barres chocolatées et autres biscuits. Et d’autres plus étonnants, comme cet emballage de collants Dim, « qui ne marquent pas à la ceinture », jetés sans doute après des ébats soudains, ou ce sachet biodégradable rempli d’autres déchets.

Même si ça devient plus rare, j’ai « ma » carcasse de voiture, une 4L… et sur une voie verte, près de Chantonnay ces restes de chantier. Et bien sûr, même si je suis resté à l’écart des villes, hormis Niort et bientôt Nantes, j’ai croisé les inévitables m….. du « grand clown américain »!

Quoi faire..? Éduquer, sensibiliser et nul doute que les enfants, futurs adultes, seront les plus efficaces pourfendeurs de ces très mauvaises et nocives habitudes . 

De Prasdelle Cabardes à Maramet

La montagne Noire

Après un accueil généreux, naturel et reconnaissant de Anne et de son équipe VLM-Aude, un apéritif et un buffet convivial et local, les deux papys de Bastien et Daniel m’ont accompagné au départ de Prasdelle Cabardès jusqu’au Pic de Nore, montagne noire mais lumineuse!

Après un passage par des anciennes glacières (où l’on stockait la neige, la tassait et au printemps les blocs étaient acheminés vers Narbonne et Carcassone), nous avons attaqué la montée vers le Roc Tredudon local.

ET puis seul face à moi même (je plaisante) j’ai commencé la longue descente vers Maramet. Variété de végétations, de paysages, d’activités. 

J’y suis rentré en longeant la rivière l’Arnette, avec  son cortège de bâtiments industriels pour la plupart abandonnés ou ruinés, comme dans tant d’autres régions.